Interview glou-glou #vinnaturel

Antonin Iommi-Amunategui est le co-auteur du très gouleyant Glou Guide du vin naturel. Avec Jérémie Couston, ils ont goûté (et sûrement regoûté) des centaines de bouteilles à 15 € maximum, avant de sélectionner leurs 150 préférées. A chaque page, un vin, un vigneron, une histoire à siroter ! Ça nous a plu, et on s’est dit qu’après toutes ces dégustations, Antonin avait certainement des choses à nous raconter sur le vin naturel… Interview !

Antonin Iommi-Amunategui et Jérémie Couston, auteurs du Glou Guide

Antonin Iommi-Amunategui et Jérémie Couston, auteurs du Glou Guide

Comment définirais-tu un vin naturel ?

Un vin naturel c’est un vin fait, quasi exclusivement, avec des raisins ! Il peut contenir une quantité minime de sulfites*, mais rien de plus - contrairement aux vins conventionnels qui renferment un grand nombre d’additifs : jusqu’à 47 produits, jamais mentionnés sur les étiquettes… Un vin naturel c’est donc un vin qui fait l’impasse sur tout l’arsenal autorisé en œnologie moderne : traitements thermiques, ajout de levures industrielles, de copeaux, d’enzymes…
D’un point de vue réglementaire, le vin naturel n’existe pas. C’est un vin “sans papier”, qui n’a ni label ni cahier des charges officiels. Il est même interdit d’utiliser cette appellation à des fins commerciales, ou du moins de l’inscrire sur l’étiquette.

Les vins naturels sont-il forcément “bio” ?

Oui ! C’est essentiel. Les vins naturels ne peuvent pas être issus d’une agriculture conventionnelle ; on y trouverait des résidus de pesticides de synthèse, ce qui serait complètement contradictoire avec leurs valeurs. Le bio c’est donc la base, mais ce n’est pas suffisant. Car le cahier des charges du vin bio autorise tout de même plus de 30 additifs. Un vin naturel n’est en revanche pas forcement biodynamique. La biodynamie est une agriculture alternative, encore plus poussée que le bio. Elle a recourt à des traitements et des pratiques qui peuvent parfois prêter à sourire, mais ses effets sur la terre, sur la plante, sur le fruit, et donc sur le vin, sont incontestables.

Un vin naturel se boit-il comme un vin conventionnel ?

Oui… avec un verre ! (rires) Ce qui est intéressant avec les vins naturels, c’est leur côté peu protocolaire. Ils se veulent démocratiques, loin des “vins à papa”. Leurs étiquettes - souvent amusantes - traduisent bien cet état d’esprit. Ils ne se prennent pas au sérieux et ils le disent tout de suite. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas faits sérieusement, hein ! Car il est très difficile de réussir un vin naturel.
Au goût, ils ont quelque chose d’honnête, d’authentique, de surprenant. Ces sont des vins “vivants” : ils évoluent d’une cuvée à l’autre, dans la bouteille, dans le verre… En débouchant une bouteille, on n’est jamais sûr de ce qu’on va y trouver. Et je trouve ça génial. On est à l’encontre des vins conventionnels, standardisés et homogènes, millésime après millésime. Il existe cependant des vins naturels très “classiques” ; des vins tout à fait naturels dans leurs procédés de fabrication mais consensuels au goût, qui plairont à tout le monde. Certains contiennent un peu de gaz résiduel, souvent laissé délibérément par le vigneron pour protéger le vin. Si on n’apprécie pas ce petit côté pétillant, il suffit de le dégazer ou de le mettre en carafe. Mais personnellement, je trouve ça chouette quand il reste quelques micro bulles, ça ajoute une dimension intéressante. Et comme tous les vins, certains sont à boire rapidement, d’autres sont taillés pour la garde. J’ai goûté des vins naturels formidables, qui avaient 20 ans d’âge !

Le vin naturel semble en pleine expansion… tu confirmes ?

D’après ce que j’ai observé, oui. Les vignerons qui se convertissent, ou qui s’installent directement en faisant du vin naturel, sont de plus en plus nombreux. Ça peut paraître fou, car c’est un choix risqué ! Les vignerons naturels travaillent “sans filet”. Ils ont très peu d’outils œnologiques à leur disposition et doivent surveiller leur vin comme le lait sur le feu…
Bien-sûr, il existe un effet de mode en ce moment, et tout le monde s’y engouffre. Les industriels, qui veulent aussi leur part du gâteau, se mettent à produire des vins pseudo-naturels. Ils utilisent du raisin bio, vinifient sans sulfites, mais vont par ailleurs levurer leurs vins ou pratiquer la flash-pasteurisation - qui en tuant toutes les bactéries, tue le vin ! Le vide juridique autour de l’appellation ne simplifie pas les choses, et c’est un peu le far-west aujourd’hui… Mais je suis convaincu que cela va évoluer. Des labels privés, non officiels, sont en train de se mettre en place, comme celui de l’Association des vins naturels (AVN) par exemple.


*sulfites, ou dioxyde de soufre, ou SO2 : additif alimentaire largement utilisé en œnologie, pour ses propriétés antiseptiques et antioxydantes. Le sulfitage du vin peut intervenir à plusieurs étapes de la vinification, de la vendange à la mise bouteille. Si un vigneron n’ajoute pas de sulfites, il peut préciser sur ses bouteilles « sans sulfites ajoutés ». Mais cela ne signifie pas que le vin est sans sulfites… Car le SO2 est aussi naturellement présent dans le vin. Produit par les levures, il est libéré lors de la fermentation. Généralement comprise entre 10 et 30 mg/L, la quantité de sulfites est variable et dépend des levures. On comprend donc que la mention « contient des sulfites », obligatoire dès que la teneur en SO2 dépasse 10 mg/L, n’a pas grand sens si on ne précise ni combien ni d’où ils proviennent…

 
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Glou guide
150 vins naturels exquis à 15 euros maxi
éd. Cambourakis

Plus d’infos ici

*une dizaine de références citées dans le guide sont disponibles à La Petite Épicerie !